Marcher
Marcher. Eloge des chemins et de la lenteur – David Le Breton
« (…) la marche est une ouverture au monde qui invite à l’humilité et à la saisie avide de l’instant. Elle restaure la dimension physique de la relation au milieu environnant et rappelle l’individu au sentiment de son existence. Elle procure une distance propice avec les choses, une disponibilité aux circonstances, plonge dans une forme active de méditation, solicite une pleine sensorialité. Marcher est un long voyage à ciel ouvert et dans le plein vent du monde dans la disponibilité de ce qui vient. »
« Si l’on se donne aux lieux, ils se donnent également et avec prodigalité. Bien entendu le marcheur ne voit que ce qui était déjà en lui, mais il lui fallait ces conditions de disponibilité pour ouvrir les yeux et accéder à d’autres couches du réel. (…) La découverte de l’environnement peut se faire en des lieux grandioses ou anodins, même les espaces les plus accoutumés se révèlent parfois inattendus et ouvrent des chemins de sens. Toute marche, même dans le quartier voisin, provoque la surprise, rien n’est jamais donné au marcheur, il va toujours au-devant de lui-même dans l’ignorance de la provision de mémoire qu’il engrange chemin faisant. Le temps d’une connivence sensuelle, marcher c’est habiter l’instant et ne pas voir au-delà de l’heure qui vient. »
« Les pensées nourries par la marche sont plongées dans le cosmos, « elles ont le ciel pour moitié, dit Virginia Woolf; si on pouvait les soumettre à une analyse chimique, on y trouverait des grains de couleur, et des litres, des volumes d’air; ce qui les rend tout de suite plus aériennes et plus impersonnelles ». »
L’esprit absorbant de l’enfant – Maria Montessori
« Les habitudes des enfants sont comparables à celles des premières tribus de la terre. On ne disait pas alors « allons à Paris », d’ailleurs Paris n’existait pas ; on ne disait pas « nous allons prendre le train pour… », il n’y avait pas de train. L’homme marchait jusqu’à ce qu’il ait trouvé quelque chose qui l’attire et qui l’intéresse : une forêt où prendre son bois, un champ où il pourrait trouver du fourrage, et ainsi de suite. C’est de cette façon naturelle que procède le petit enfant. L’instinct de se mouvoir dans son milieu, en passant d’une découverte à l’autre, fait partie de sa nature même et de l’éducation : l’éducation doit considérer l’enfant qui se promène comme un explorateur. (…)
Marcher est un exercice complet en soi qui ne réclame aucune autre effort de gymnastique. L’homme qui marche respire et digère mieux, jouit de tous les avantages que nous cherchons dans le sport. C’est un exercice qui forme la beauté du corps et si, au cours d’une promenade, on trouve quelque chose d’intéressant à ramasser, à classer, ou un fossé à sauter, ou du petit bois à ramasser pour le feu, avec ces gestes qui accompagnent la promenade – étendre les bras, plier le corps – l’exercice devient parfait. Au fur et à mesure que l’homme progresse dans ses études, son intérêt intellectuel s’accroît et, en même temps, l’activité du corps. Le chemin de l’éducation doit suivre celui de l’évolution : marcher et regarder toujours plus loin, jusqu’à ce que que la vie de l’enfant s’enrichisse toujours davantage.
Ce principe devrait faire partie de l’éducation, tout spécialement aujourd’hui que les gens marchent peu, se font de plus en plus transporter par des véhicules. Il n’est pas bon de couper la vie en deux, occupant les membres avec le sport et la tête avec la lecture. La vie doit être une seule chose, et spécialement dans les toutes premières années, quand le petit enfant doit se construire lui-même, selon le plan et les lois de son développement. »