Zimut dans le métro du Caire
Suite à :
– de très nombreuses heures perdues dans les embouteillages,
– des crampes de jambes dues à des kilomètres le pied sur l’embrayage,
– un rodéo sur un terre-plein en béton,
– le départ de mes co-voitureurs,
– des images chocs sur la fonte des banquises,
j’ai décidé que, désormais, et jusqu’à ce que le Raïs Morsi fasse quelque chose pour la circulation routière, je prendrais le métro.
Le métro, c’est toute la poésie du Caire :
1) Devant le métro, on trouve généralement : soit un petit souk de fruits et légumes, soit un petit-déjeuner en plein air (des marchands vendent du foul, du pain, des œufs durs, du fromage, des falafels, etc sur des petites carioles), soit des taxis, des cireurs de chaussures, des marchands ambulants…
2) Au guichet, on a une chance sur deux de se faire coiffer au poteau alors qu’on avait déjà la main tendue vers le guichetier… D’où tactique du tourne-dos stratégique…
3) Le ticket est au même prix que l’on en achète un, dix, ou cent… Quand on tend un billet de 10 livres, on obtient UN ticket, sauf si on précise que l’on en veut dix.
4) Je ne sais toujours pas s’il y a un guichet pour les femmes ou pas. En temps d’affluence, il y a généralement une file avec uniquement des femmes, mais quand il y a un seul guichet ?… Le mieux c’est de faire comme si on ne comprenait rien…
5) On passe le tourniquet et on repère les wagons de femmes : deux wagons sur toute la rame… Forcément, on est un peu à l’étroit. Si par hasard on se retrouve seule dans le wagon des hommes, les messieurs sont très corrects voire galants, et font tout pour que l’on trouve une petite place protégée de la promiscuité.
6) Dans le wagon des femmes, tout le monde s’observe. Mais gentiment. Une jeune fille m’a même très poliment mise en garde contre les dangers de la lecture pour la santé des yeux…
7) Le wagon vu de l’intérieur : une forêt de voiles de toutes les couleurs. Peu de femmes tête nue, et peu de femmes en niqab (burqa).
8) Des hommes ou des femmes traversent le wagon en braillant (même aux pires heures d’affluence), pour vendre leur camelote (mouchoirs, colle en tube, pince pour les cheveux, bonbons, éponges…). Parfois le camelot balance sa marchandise sur les genoux des personnes assises pour que l’on puisse juger de la qualité. La technique marche assez mal, à ce que j’ai pu en juger.
9) Parfois, une dispute éclate, et là, c’est sons & lumières (surtout SSOOONNNNS), tout le monde s’en mêle, jusqu’à ce que l’ensemble des protagonistes soient descendus. Oui, parce que, le fait que l’une des parties ne soit plus là ne suffit pas. Il y aura toujours quelqu’un pour relancer la dispute (on s’occupe comme on peut, et puis après, on rigole bien).
10) Quand il n’y a plus de place dans le wagon, il y a encore de la place.
11) Quand le wagon est vraiment bondé, 3 ou 4 personnes tombent sur le quai chaque fois que les portes s’ouvrent. Technique pour monter quand même : prendre quelques pas d’élan, former un groupe d’une dizaine de personnes, et foncer dans le tas en poussant un cri de guerre (et en rigolant). Ttechnique typiquement collégienne, mais applicquée par d’autres franges de la population.
12) Si des enfants se trouvent à ce moment-là dans le wagon, leur fournir de longs tubas pour respirer.
13) Les mouvements migratoires d’un bout à l’autre du wagon sont dus, 1) aux camelots, 2) aux femmes âgées qui cherchent à s’approcher des sièges, 3) aux collégiennes qui essaient de rejoindre leurs copines, 4) aux enfants qui s’ennuient et donc se baladent, 5) aux personnes qui descendent dans une ou deux stations et cherchent à se rapprocher des portes
14) Pour pénible que ce soit, dans les premiers temps, de se contorsionner pour laisser passer les gens qui veulent s’approcher de la porte bien avant d’arriver à leur station, on finit pourtant par faire la même chose, parce que 1) quand le wagon est bien blindé, même quand les portes s’ouvrent, il est impossible de bouger le petit doigt, 2) les gens qui veulent monter n’ont aucune intention de laisser les gens descendre (ce qui manque quand même de bon sens, il me semble). Donc tout le monde se bouscule, c’est un beau bazar, et on met deux fois plus de temps à faire le transfert quai-métro ou métro-quai.
15) Parfois, on se met dans des positions de yogi surentraîné, sur la pointe des pieds, le dos à 90° en arrière, les bras tourbichonnés, pour laisser passer quelqu’un, et soudain, on se rend compte que la personne a décidé tout de s’arrêter juste LA. Tenir encore un quart d’heure dans cette position, non, ça va pas être possible.
16) Il faut faire gaffe à son sac quand le métro est très rempli, non pas de peur des pickpockets, mais plutôt parce qu’il risque d’être emporté par la foule ! Un jour, le mien avait décidé un jour de descendre avec deux jeunes filles à son goût, une à chaque bras, il m’a fallu beaucoup de persuasion pour le ramener à l’intérieur du wagon !
17) Un soir, le métro fonctionnait vraiment très mal, au point qu’il est finalement resté coincé dans une station. Aussitôt, un monsieur égyptien nous prend en charge, nous explique en arabe (eh oui, on a compris, la classe !)que deux métros arrivent dans les cinq minutes. Et en effet, sur une troisième voie, un métro arrive quelques minutes plus tard. Impeccable ! Comment, lui, a eu l’info, mystère ! Le téléphone arabe…
18) Les jours de très grosses affluences, si vous descendez à une station fréquentée, type Sadat, place Tahrir, vous n’aurez même pas besoin de marcher ou de décider de descendre : la foule le fera pour vous. Vous ne descendrez pas du wagon, vous serez propulsé sur le quai…
19) Les tourniquets à ticket existent et fonctionnent (souvent). Cependant, la technique la plus courante est de passer tout droit en posant son ticket sur le tourniquet. Des types rassemblent les tickets en petits tas. Parfois, on voit des gars ramasser d’énormes tas de tickets tombés par terre quand le collègue a ouvert la machine sans prévoir de sac…
20) Bref, j’aime le métro cairote (on ne s’ennuie jamais et les gens sont chouettes).
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